Il semble que le tournant de l’année nous réserve inévitablement son lot de résolutions, mais aussi de prédictions et de pronostics. C’est particulièrement vrai dans l’univers incontestablement fluctuant et complexe du numérique, du marketing et des communications.

En décembre et en janvier, j’ai pris le temps d’éplucher un certain nombre de documents sur les tendances et les prévisions, dont l’excellent rapport d’Edelman sur les tendances du numérique en 2018. Parmi mes autres lectures dignes d’intérêt, mentionnons les 10 grandes tendances du numérique pour 2018 d’eMarketer et un rapport coécrit par mon ancien patron et éternel mentor, Marshall Manson. J’ai également eu le plaisir de lire ces comptes rendus publiés par PR Week et Forbes.

Maintenant que le premier trimestre de l’année civile tire à sa fin, j’ai entrepris de faire le bilan de mes échanges avec des chefs d’entreprise, des spécialistes du marketing et des communicateurs d’une multitude de marques, d’agences, de plateformes et de partenaires. En voici les faits saillants.

Transformation: Le virage numérique (ou autre) des entreprises, médias, technologies, cultures, consommateurs et j’en passe continue à poser des défis à la fois concrets et existentiels aux marques, agences, organisations, plateformes et entreprises. Les agences s’attellent à la convergence technologique, tandis que les services de communication marketing et les marques expérimentent pour la première fois certaines fonctions « à l’interne » (p. ex., l’achat d’espaces médias). Amazon révolutionne la façon dont les spécialistes du marketing pensent le commerce électronique, ce qui se traduit généralement par la création d’équipes entièrement nouvelles. Rares sont les spécialistes du marketing, les communicateurs et les stratèges qui possèdent un sens aigu du marketing et des affaires, allié à une capacité d’interpréter et d’analyser ces bouleversements par la lorgnette de l’entreprise. Je vois tout cela se jouer dans la guerre pour les talents, de même que dans les organigrammes, les technologies et les activités des marques et des agences.

Strates: Les progrès technologiques et l’importance des nouvelles technologies comme la réalité augmentée, la reconnaissance faciale et la reconnaissance d’images, ainsi que l’intelligence artificielle (en particulier le traitement des langues naturelles parlées) donnent lieu à de nouvelles strates expérientielles, informatives et transactionnelles dans nos univers hors ligne et en ligne. Peu de doute subsiste quant au fait que nous vivions un véritable changement de paradigme qui bouleversera à tout jamais la façon dont nous faisons des recherches, concluons des achats et exploitons le potentiel des nouvelles technologies, mais aussi la façon dont nous utilisons les technologies pour interagir avec le monde hors ligne. Par exemple, les assistants à commande vocale se sont hissés au sommet des ventes pendant les Fêtes et une nouvelle vague de téléphones mobiles a vu le jour grâce aux fonctionnalités de reconnaissance faciale (ou reconnaissance de l’iris). Malgré ce que mon collègue David Armano a judicieusement écrit à propos de la « marque audible » dans AdWeek, ce virage ne touche pas uniquement le marketing et les communications. Ces percées vont révolutionner la façon dont on recherche et achète des produits et dont on dispense des services. Au lieu de perdre leur rôle d’intermédiaire aux mains des technologies, les entreprises et organisations ont tout intérêt à réfléchir à des moyens de tabler sur ces strates en émergence.

Approche évolutive des médias numériques: À l’ère des algorithmes, les grands annonceurs remettent fondamentalement en question leur approche de l’achat d’espaces médias, des médias gratuits (earning media) et de la création et du ciblage de l’audience – de fait, ils la revoient souvent de fond en comble. Amazon s’impose de plus en plus comme troisième joueur potentiel dans le secteur de la publicité numérique. Pour des raisons de simplicité ou de sécurité, les annonceurs réduisent le nombre de sites sur lesquels ils s’affichent ou se tournent vers des sites visités par des audiences plus ciblées et plus spécialisées. (Un collègue soutient même, de façon convaincante, je pense, qu’Internet lui-même est un média spécialisé, et non un média de grande portée.) Nombreuses sont les marques qui établissent des plateformes GRC (gestion de la relation client), fidélité ou Web plus évoluées afin d’interagir plus directement avec leurs clients et d’apprendre à mieux les connaître. Les modèles économiques et les retombées sociétales sont remis en question. Le rendement du capital investi (RCI) est scruté à la loupe, si bien que les investissements sont réaffectés ailleurs et que les acteurs de la chaîne d’approvisionnement publicitaire et média doivent répondre de leurs actes et agir de manière plus transparente. Beaucoup de marques aspirent à un idéal de marketing de masse personnalisé, en phase avec les avancées de l’automatisation marketing et des technologies propulsées par l’intelligence artificielle. Devant cette pléthore de changements, une seule chose me paraît indéniable : l’existence du changement lui-même. Cela dit, si ces bouleversements continuent de se traduire par une transparence et une responsabilisation accrues, un but sociétal plus profond, un plus grand impact et une meilleure expérience utilisateur, alors je suis entièrement en faveur.

Protection des renseignements personnels: Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne, qui entrera en vigueur en mai 2018, est un cadre strict et complet de protection des renseignements personnels. Il touchera les entreprises du Canada et du monde entier puisque, comme le souligne l’Association canadienne marketing dans un guide fort utile paru le 25 mai 2018, « le RGPD s’appliquera à toute organisation qui, peu importe son emplacement, utilise les données personnelles de résidents européens afin de leur proposer des produits ou de “surveiller” leur comportement. »

Au Canada, la réaction n’a pas tardé, alors que de nombreuses entreprises et organisations s’emploient à évaluer l’incidence du RGPD sur leur façon de recueillir et de stocker l’information, mais aussi de mettre en marché et de vendre des produits. Sur le plan réglementaire, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique vient de publier un rapport intitulé Vers la protection de la vie privée dès la conception: examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Ce rapport contient des recommandations en vue de la mise à jour la LPRPDE, vu l’intérêt grandissant que suscitent la vie privée et les renseignements personnels, de même que l’étroite surveillance exercée à leur endroit. Le Globe and Mail a d’ailleurs publié un article à ce sujet (en anglais). L’analyse des conséquences pour les entreprises et organisations doit être confiée à un groupe de travail interfonctionnel formé de représentants des affaires juridiques, des TI, de la sécurité et confidentialité et de la conformité, ainsi que de gens du marketing, du Web et du programme fidélité qui travaillent en première ligne afin de susciter l’engagement des clients.

Sans doute d’autres enjeux sont-ils ressortis de mes échanges, dont les implications des fausses nouvelles et la façon de mieux exploiter les données. Ma réaction devant tous ces changements est un sentiment de stupeur entremêlé d’une volonté de saisir les nouvelles occasions anticipées. Comme toujours, je me réjouis de négocier ce virage au sein d’une agence privée et indépendante qui jouit d’une solide tradition et qui croit profondément en la valeur des communications marketing. Cet ancrage nous procure les fondements nécessaires pour interpréter ces tendances dans l’optique d’aider nos clients à adopter une approche axée sur les revenus et une attitude fondamentalement « sociale » dans une quête de vérité, de finalité et de résultats commerciaux.

Tristan Roy est Chef des communications numériques de Canada et Amérique latine.