Au cours des deux semaines qui se sont écoulées depuis la présentation du budget fédéral, le dossier SNC-Lavalin a éclipsé les discussions sur la teneur de ce document. Bien que pour le secteur technologique, le budget 2019 ne soit pas la manne de financement qu’a été le Programme d’innovation du Canada de 2017, il prévoit d’importants investissements et changements stratégiques qui auront une grande incidence sur le secteur canadien de la technologie et sur la réalité numérique du gouvernement.

Voici, rétrospectivement, mes trois principaux points à retenir du budget2019 concernant le secteur canadien de la technologie; des points importants, mais qui n’ont pas reçu toute l’attention qu’ils méritent :

  1. Le cybercentre prend son envol: Le projet de loi C-59 (qui est actuellement à l’étude au Sénat) élargira le mandat du Centre de la sécurité des télécommunications. Dorénavant, celui-ci protégera non seulement les réseaux du gouvernement fédéral, mais aussi les « infrastructures d’information jugées importantes pour le gouvernement fédéral », ce qui, j’imagine, comprend les autorités provinciales et municipales, les infrastructures critiques et certaines entreprises privées évoluant dans les secteurs des services publics, des services financiers, de l’énergie et du transport. Une fois le projet de loi C-59 adopté, ce rôle consultatif incombera vraisemblablement au nouveau Centre canadien pour la cybersécurité. Le budget 2019 prévoit les fonds nécessaires à cette fin.
  2. Accent sur la prestation de services et sur les citoyens: Contrairement à d’autres budgets qui prévoyaient beaucoup d’argent pour les services de soutien informatiques, la plupart des nouvelles enveloppes ministérielles annoncées visent carrément à améliorer l’expérience et les résultats pour l’utilisateur final. Cette décision va dans le sens des principes du Conseil du Trésor visant à transformer le gouvernement en une organisation de services axée sur l’utilisateur. Qu’il s’agisse de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, de Service Canada, de l’ARC (pour améliorer l’aide aux redressements T1 et aux prestations) ou d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (pour réduire les délais de traitement des visas), l’objectif consiste à rehausser l’expérience des citoyens. Dans le cas de l’ARC et d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, le budget suggère même d’embaucher des humains pour parler aux Canadiens et aux Canadiennes! Cependant, les entreprises technologiques – en particulier celles qui se consacrent à l’expérience utilisateur, aux flux de travail numériques et à l’apprentissage automatisé – auront également un rôle important à jouer pour rendre les interactions des agents en première ligne efficaces et agréables.
  3. Soutien aux innovateurs en forte croissance – RS&DE et options d’achat d’actions: Depuis plusieurs années, le gouvernement cherche des moyens d’appuyer les entreprises technologiques canadiennes qui connaissent une croissance rapide, en particulier pour leur permettre d’attirer des talents et d’accéder à des capitaux. Le budget 2019 prévoit deux mesures modestes, mais notables, qui pourraient changer la donne dans ces domaines.

Premièrement, il apporte un changement important au Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE), de loin le plus important programme de financement de recherche et développement au Canada. Auparavant, si une entreprise en démarrage ayant recours au programme RS&DE réalisait des ventes et connaissait une croissance rapide, dès que son chiffre d’affaires atteignait un certain seuil, le crédit pour la RS&DE était amputé considérablement et l’entreprise se faisait couper l’herbe sous le pied au moment même où le financement s’avérait crucial. Cette politique a nui aux entreprises innovantes qui commercialisent des produits issus de la R et D et qui bâtissent une entreprise – créant ainsi une incitation perverse à rester petit. Le budget 2019 modifie le programme RS&DE en éliminant ce seuil de revenu pour le crédit bonifié afin que les PME puissent trouver des clients et continuer à travailler sur leurs prochains produits. *Petit aparté: j’ai beaucoup discuté de ces questions quand je suis allé rencontrer l’ACTI à Ottawa; félicitations à @davidross de Ross Video d’Ottawa pour avoir joué un rôle important dans ce dossier.

Deuxièmement, le ministre Morneau envisage à nouveau de percevoir des impôts sur les options d’achat d’actions. Lorsque cette idée a été lancée pour la première fois en 2017, les petites entreprises technologiques, les sociétés de capital de risque et les investisseurs providentiels ont manifesté une vive opposition. On soutenait que les options d’achat d’actions représentent un outil de rémunération essentiel dont les entreprises en démarrage ont besoin pour attirer et fidéliser les talents qu’elles ne pourraient autrement se permettre d’avoir à leur service. Pour éviter ce contrecoup, la proposition de 2019 ne vise que les options d’achat d’actions pour les personnes travaillant dans de grandes entreprises bien établies (dont les capitaux permanents sont supérieurs à 200 000 dollars), ce qui exempte complètement les PME. Au-delà du maintien du statu quo, le fait de percevoir des impôts sur les options d’achat d’actions accordées aux employés de grandes entreprises pourrait rendre encore plus intéressant le fait de travailler pour une PME canadienne. Les entreprises canadiennes en démarrage déplorent souvent à quel point il est difficile de rivaliser avec Google, Amazon, Shopify et autres géants de ce monde pour attirer les talents. Ce changement pourrait aider à niveler le terrain, du moins aux échelons supérieurs. Les détails de ce nouveau plan seront annoncés en août 2019.

Un legs du budget 2019: les robots lunaires

En ce qui concerne le legs à long terme du budget 2019, je pense que les Canadiens et Canadiennes pourront dire un jour que c’est dans le cadre de ce budget que nous avons décidé d’investir 150 millions de dollars pour envoyer des robots issus de l’intelligence artificielle sur la Lune. Il s’agit d’un investissement judicieux à long terme, et j’espère qu’une fois sur la Lune, nos chefs suprêmes mécanisés récompenseront nos petits-enfants pour cette bienveillance.

David Messer est Vice-président, Affaires publiques d’Edelman.