Les médias sociaux ont révolutionné le monde des affaires en à peine plus de 10 ans. Ils ont bouleversé la façon dont les entreprises communiquent,fonctionnent et rejoignent les clients. Or, à l’approche de 2018, force est de constater que les médias sociaux ont eux-mêmes changé radicalement depuis leur avènement et qu’ils sont à mille lieues de l’utopie relationnelle que bien des gens imaginaient au départ. Ce constat soulève une question fondamentale : ce changement est-il une bonne chose ?

Dans mon temps…

Il m’est arrivé à l’occasion d’adopter un laïus du genre « dans mon temps… », déplorant la disparition des caractéristiques qui avaient attiré des vieux routiers comme moi vers les médias sociaux.

Quand les médias sociaux ont fait leur apparition, ils incarnaient le passage drastique d’un mode de communication à sens unique à un mode de communication bidirectionnel. Tout à coup, les gens semblaient soudés par des liens étroits, et les premiers adeptes éprouvaient un sentiment d’appartenance à une communauté d’utilisateurs.

Devant l’affluence du public vers ces plateformes, les marques ont vite compris qu’elles pouvaient prendre contact et combler le fossé avec les clients. Des pionniers comme Lionel Menchaca et Richard Binhammer chez Dell, Frank Eliason chez Comcast et Zena Weist chez H&R Block ont ouvert la voie en incitant les grandes entreprises à communiquer directement avec les clients par l’intermédiaire des médias sociaux. Fait important, ils ont établi des relations d’une manière qui différait radicalement des tactiques à sens unique utilisées sur les autres canaux.

L’existence des médias sociaux sous cette forme a toutefois été de courte durée (une évolution rapide est normale dans tout espace émergent). Peu de temps après, les cabinets de communications ont commencé à chercher des façons de générer des revenus, et les approches de marketing traditionnelles sont revenues en force.

Finis les rassemblements innocents autour du feu de camp. L’heure était aux grands feux de joie, allumés au moyen de bûches commanditées et agrémentés de pyrotechnie payante.

Alors que les capitaux affluaient vers ces plateformes, les spécialistes du marketing ont commencé à appliquer les mêmes tactiques employées sur les autres canaux. Des concours sans prestige aux infographies tapageuses, en passant par les publicités axées sur l’interruption, tout est devenu de bonne guerre sur les médias sociaux. À l’instigation des plateformes elles-mêmes, nous avons vu des entreprises minimiser l’importance de la gestion de communauté – et de l’engagement client – au profit de la portée et de la fréquence.

Ceux d’entre nous qui ont œuvré dans ce domaine pendant un certain temps ont ressenti ce changement de plein fouet. Pour ma part, j’avais adopté les médias sociaux de la première heure en raison de la possibilité qu'ils offraient de resserrer les liens avec les clients. J’ai été attristé de voir l’industrie tourner le dos à cette mentalité au profit d’une approche publicitaire.

Le changement peut s’avérer positif

Ce serait toutefois une erreur de prétendre que cette évolution est entièrement négative.

En réalité, les médias sociaux de type « relationnel » auraient eu bien du mal à justifier leur existence une fois le marketing mis à l'avant-plan – ce qui est vrai surtout pour les marques centrées sur le consommateur. Pour la plupart des entreprises habituées à cibler des millions de gens à l’intérieur d’un marché national, la portée n’était tout simplement pas suffisante pour influencer le baromètre 20 mentions « J’aime » paraissaient insignifiantes aux yeux des gens à l’affût des bénéfices.

On aurait également tort d’affirmer que l’évolution vers une orientation publicitaire n’a engendré que des maux. La capacité à présenter plus efficacement du contenu ciblé en fonction des champs d’intérêt, par exemple, permet des interactions plus pertinentes et plus significatives qu’une approche « à tout vent ». Et les médias sociaux offrent ce ciblage contextuel à la pelle. Nous voyons continuellement les médias sociaux surpasser les autres canaux dans de nombreuses campagnes. C’est donc dire que quelque chose fonctionne.

Du point de vue de l’utilisateur, si l’on accepte que les plateformes ont besoin de générer des revenus et que la publicité est donc inévitable, ce ciblage devrait rendre l’expérience plus pertinente et moins encombrante pour l’utilisateur.

Enfin, force est d’admettre que les communautés d’intérêts (non privés) ont conservé leur extraordinaire vitalité sur les médias sociaux. Ma femme et moi avons nous-mêmes constaté la grande utilité des groupes de nouveaux parents sur Facebook au cours des derniers mois, alors que nous attendions un bébé. La capacité de tisser des liens est toujours bien réelle – et n’a rien perdu de sa popularité.

Et maintenant?

Une chose est sûre :les médias sociaux n’ont pas fini d’évoluer – tant s’en faut –, alors que de nouvelles plateformes et technologies font sans cesse leur apparition. Bon nombre de tendances actuelles souscrivent à l’engagement premier et à la nature relationnelle des médias sociaux, sans perdre de vue la réalité des affaires.

J’ai récemment eu le plaisir de voir qu’un nombre croissant d’entreprises se concentraient à nouveau sur leurs clients existants. Cette pratique de la première heure tient compte du fait que les médias sociaux ffrent une occasion unique de gérer à grande échelle les problèmes liés au service à la clientèle. Les entreprises mettent de nouveau l’accent sur la gestion de communauté et le soutien en ligne, et intègrent cette approche aux systèmes de gestion d’une manière qui n’était pas possible il y a 10 ans lorsque les médias sociaux ont pris leur essor.

Plusieurs marques créent également des groupes Facebook à l’intention de leurs clients et partenaires les plus passionnés et les plus précieux. Ces entreprises sont conscientes de l’importance d’engager ces parties prenantes une à une, au lieu de se préoccuper des clients qui se plaignent qu'un emballage aperçu à l’épicerie ne leur plaît pas.

Entre-temps, même si l’engouement initial a faibli, de nouvelles percées technologiques permettent aux entreprises d’intensifier leur engagement auprès des clients et de répondre rapidement et facilement aux demandes de renseignements les plus courantes. Comme les plateformes de messagerie continuent de devancer les autres canaux sociaux, les technologies telles que les assistants virtuels, ou chatbot, sont susceptibles de gagner en importance au cours de l’année à venir.

Bien que certains s’accrochent désespérément à l’idéal des médias sociaux d’autrefois, la réalité a changé et, en tant qu’industrie, nous devons changer avec elle. À l’approche de 2018, j’espère que les organisations plus « matures » saisiront les occasions révolutionnaires que présentent ces plateformes, tout en gardant à l’esprit que les médias sociaux sont ancrés dans la création de liens et de relations clients.

Si tel est le cas, alors peut-être que « mon époque » ne paraîtra pas si lointaine après tout.

Dave Fleet est vice-président exécutif et leader national de la division numérique d’Edelman Canada. Ce texte & est paru initialement sur son site davefleet.com.