Tout le monde commet des erreurs. Les dirigeants en commettent aussi. Il faut s’y attendre : après tout, nous ne sommes que des êtres humains. Alors, pourquoi se fait-il que, malgré le nombre d’excuses publiques que nous avons entendues, il y ait encore quelque chose qui sonne faux ? Le discours semble emprunté. Nous ne croyons pas à la sincérité de ces gens.

Nous savons, grâce au Baromètre de confiance Edelman, que nous vivons dans une société qui a perdu foi en ses institutions et en leurs dirigeants. Dans ce contexte, il est d’autant plus difficile de convaincre le public de sa sincérité que la confiance faisait défaut dès le départ.

Notre malaise s’explique peut-être aussi par le fait que s’excuser est un art qui consiste à exprimer ses émotions, son empathie et ses convictions. Du gâteau, direz-vous. Pourtant, beaucoup de dirigeants et de personnalités publiques ne parviennent pas à faire passer leurs excuses pour vraies et sincères. Au lieu de cela, ils cherchent le plus souvent à noyer le poisson ou à passer à une autre question.

J’ai visionné des dizaines d’excuses publiques, dont une ou deux parmi les plus réussies. Voici les observations que j’en retiens :

  1. Le choix du moment est crucial : Agissez vite si vous devez vous excuser. Les gens vous pardonneront peut-être 24 heures plus tard, mais au bout d’une semaine, vos excuses auront perdu de leurspontanéité et pourraient être reçues comme une insulte ;

  1. Évitez des mots pièges comme « honnêtement », « permettez-moi de vous dire la vérité », « Je regrette, MAIS » et « c’est parce que » ;

  1. Au-delà des mots : Nous savons tous que le langage corporel l’emporte sur les mots. Alors, faites attention au sourire nerveux, aux yeux baissés fuyant l’auditoire, à l’agitation. Tenez-vous droit et regardez droit devant vous, inspirez profondément et évitez de parler trop vite ;

  1. Empathie : Pour exprimer votre empathie envers les personnes lésées, expliquez ce que vous avez fait de mal et faites un lien avec ce que ces gens ont probablement ressenti afin qu’ils voient que vous mesurez les conséquences de vos actes ;

  1. Utilisez vos propres mots : Il n’y a rien de mal à s’assurer que le message passe et qu’il est complet et bien structuré. À cet égard, un expert des communications peut vous fournir une aide précieuse. Cependant, votre première ébauche doit provenir entièrement de vous. Les grands leaders savent coucher leurs idées sur le papier. Ce faisant, leur message gardera toute son authenticité (et, oui, un avocat peut s’assurer qu’aucune question touchant à la responsabilité n’est soulevée une fois vos excuses rédigées);

  1. Établissez des priorités : Adressez-vous aux personnes concernées et mettez-les à l’avant-plan dans votre message (un indice : il s’agit souvent des employés);

  1. N’implorez pas le pardon, c’est trop tôt pour ça;

  1. Soyez bref : Si vous vous excusez pendant 10 minutes, vous devrez vous excuser à nouveau pour ça ! Tenez-vous-en à l’essentiel et allez droit au but;

  1. Validez: Demandez à des interlocuteurs d’écouter vos excuses: si elles ne leur paraissent pas convaincantes, elles devront être retravaillées en fonction de leurs commentaires;

  1. Prenez un engagement que vous pouvez respecter: expliquez si possible comment vous comptez vous rattraper et assurez-vous de tenir parole.

Il est assez facile de dénicher des excuses qui ont mal tourné. Par exemple, le chef cuisinier de renommée mondiale Mario Batali s’est excusé dans une déclaration écrite au sujet des allégations d’inconduite sexuelle qui pesaient contre lui. La première partie de ses excuses semblait préformatée, mais hormis cela, il a choisi des mots corrects et simples, et la longueur de son texte était acceptable. Il a expliqué pourquoi il était désolé et s’est excusé auprès des personnes à qui il désirait s’adresser. Mais c’est alors que, pour une raison obscure, il a ajouté un post-scriptum ainsi qu’un lien vers une recette de brioches à la cannelle ! C’est ce que j’appelle un « désastre de relations publiques ». De fait, il a été ridiculisé publiquement pour avoir transformé ce qui semblait être des excuses sincères en farce.

Bien entendu, il y a des gens qui parviennent à trouver le bon ton. Le meilleur exemple d’excuses publiques réussies que je connaisse est celui des Aliments Maple Leaf en 2008. À la suite d’une épidémie de listériose ayant tué 22 personnes, le PDG, Michael McCain, a présenté ses excuses et a admis ses torts sans réserve. L’entreprise a également lancé une vaste opération de rappel de produits dont le coût a été estimé à 20 millions de dollars, en plus du coût total des poursuites. Les Aliments Maple Leaf ont enregistré à nouveau des profits l’année suivante, aidés en cela par leur gestion admirable de la crise.

Des chefs de gouvernement aux PDG, les erreurs de jugement sont pratiquement inévitables et exigent des excuses. À mon avis, le public comprend que les dirigeants jouent un rôle ingrat et que leur parcours est semé d’embûches. Cependant, il est temps que les dirigeants se souviennent à qui ils s’adressent lorsqu’ils présentent leurs excuses et qu’ils adoptent un ton plus humain, plus naturel et plus authentique. Point important, ils doivent garder à l’esprit que le monde d’aujourd’hui cherche des leaders qui les rejoignent, qui partagent leurs valeurs et qui, au besoin, laissent voir leur sensibilité et leur vulnérabilité.

Eve Laurier est General Manager de Edelman Montreal.