Il y a un peu plus d’un an, j’ai convié l’ensemble de notre équipe à une rencontre portant sur le mouvement #MeToo et l’égalité entre les sexes en milieu de travail, en compagnie de notre chef des ressources humaines. À titre d’agence de communications comptant une majorité de femmes, plusieurs de nos employées ont été personnellement touchées ou auraient pu être touchées par les enjeux qui sous-tendent le mouvement #MeToo. L’objectif de la rencontre était d’ouvrir le dialogue afin que nous puissions y travailler tous ensemble. Il n’y avait pas d’ordre du jour. Aucune action précise n’était attendue. Le but était simple: communiquer de façon honnête et transparente nos perspectives, nos expériences et nos anxiétés de femmes et d’hommes travaillant côte à côte dans un monde post-#MeToo.

Pendant cette rencontre, nous avons discuté des comportements qui incarnent les valeurs de notre entreprise. Nous avons réfléchi aux interactions avec nos clients, tant au bureau qu’à l’extérieur. Nous avons abordé la question du mentorat. Mais selon moi, le résultat le plus précieux de l’exercice est sans doute la confiance mutuelle que cette plateforme a renouvelée. L’initiative a permis à notre équipe – composée de femmes et d’hommes à différents stades de leur carrière – d’articuler leurs idées réelles, et souvent très personnelles, dans un cadre sécuritaire, sain et positif.

Le mouvement #MeToo est évidemment un sujet sensible, et notre discussion a fait jaillir des émotions intenses. L’expérience m’a fait réaliser qu’aborder les dossiers chauds de front avec les employés est un exercice important, bien que souvent imprévisible et chargé d’émotions. Il faut être confortable avec le fait qu’il est impossible de prévoir ce qui ressortira de telles discussions, voire apprendre à célébrer l’inattendu.

Cette idée que l’employeur puisse agir comme facilitateur de la discussion et guide de confiance sur certains enjeux controversés qui ont une incidence sur les employés, mais dépassent le cadre de travail traditionnel constitue un phénomène relativement nouveau.

Cette idée est également confirmée par les résultats de la dernière édition du Baromètre de confiance Edelman. Selon les conclusions de l’étude, 54 pour cent des Canadiens considèrent leur employeur comme une source d’information crédible sur les enjeux de société et d’autres sujets importants pour lesquels il n’existe pas de consensus. Cette statistique illustre que les entreprises possèdent une occasion claire, voire une obligation, d’être une source d’information et de direction sur ces enjeux, et d’engager une conversation éclairée et équilibrée avec leurs employés.

Nous observons actuellement une polarisation de la confiance chez les Canadiens, et ce type de conversation entre employeur et employés peut jouer un rôle essentiel pour combler le fossé qui se dessine au sein de notre communauté. Le Baromètre de confiance Edelman a souligné un écart de 20 points entre la confiance que manifestent le « public informé » (composé de diplômés universitaires dont le revenu se situe dans le premier quartile et qui s’intéressent à l’actualité) et la « population de masse » du Canada envers les principales institutions, soit le gouvernement, les ONG, les entreprises et les médias. Cet écart de confiance est le deuxième plus important parmi les pays sondés, uniquement supplanté par le Royaume-Uni, dont l’écart se chiffre à 24 points de pourcentage. En comparaison, l’écart de confiance entre public informé et population de masse aux États-Unis est de 11 points.

Les données canadiennes sont quelque peu inquiétantes. Elles suggèrent que nos concitoyens estiment vivre dans une société déséquilibrée, dans laquelle la capacité de compter sur les institutions diffère grandement selon le revenu et le niveau d’éducation. Si la population de masse fait moins confiance à toutes les institutions, y compris les médias, vers quelles sources se tournera-t-elle pour accéder à une information qu’elle juge crédible?

Selon les données du Baromètre de confiance, les membres de la population de masse pourraient se tourner vers leur milieu de travail. En effet, « mon employeur » est une source jugée digne de confiance par la majorité des Canadiens (77 pour cent de la population de masse et 88 pour cent du public informé). Les employeurs ne peuvent se permettre d’ignorer cette position privilégiée, mais associée à de grandes responsabilités. En effet, les attentes des Canadiens envers les entreprises sont plus élevées que jamais. Soixante-dix-neuf pour cent des Canadiens croient que les PDG devraient prendre les devants en matière de changement plutôt que d’attendre que le gouvernement le leur impose, en hausse de 11 points de pourcentage depuis 2018. Ces attentes s’appliquent également à leur propre employeur: la majorité des employés canadiens estiment qu’il est essentiel que le chef de la direction de leur entreprise réponde aux défis de société actuels.

Nombre de Canadiens vivent présentement des moments difficiles. Dans la foulée de plusieurs événements récents, notamment la fermeture imminente de l’usine GM d’Oshawa ou le scandale chez SNC-Lavalin, les employés de petites entreprises comme de grandes sociétés cherchent à donner un sens aux situations controversées et déroutantes qui ont une incidence sur leur gagne-pain. Les employeurs devraient y voir une occasion de rassurer leurs employés en engageant une conversation sérieuse et inclusive. Ces conversations en valent la peine: les statistiques présentées ci-haut illustrent qu’elles contribuent à alimenter la confiance des employés envers leur employeur. Cette confiance est associée à des avantages tangibles, notamment une hausse de la défense des intérêts, de la fidélité, de l’implication et de l’engagement de la part des employés. Notre expérience démontre que le climat de confiance établi par notre culture d’entreprise ouverte et inclusive a incité même les employés les plus préoccupés par la question #MeToo à communiquer leurs inquiétudes à la direction.

Les employeurs disposent d’une plateforme puissante pour gagner la confiance de leurs employés. En engageant un dialogue éclairé et constructif sur les enjeux pressants, nous nous exposons à la vision du monde de nos confrères et consœurs et pouvons ainsi mieux nous comprendre. Les entreprises ne peuvent tout simplement pas ignorer la valeur intrinsèque de la confiance et de l’engagement de leurs employés. Pour dire les choses simplement, c’est la bonne chose à faire.